Littérature

Françoise Choay

L’Allégorie du patrimoine

1992

La première concerne l’architecture. Contaminée par la logique des réseaux, l’architecture change de statut et de vocation : les bâtiments individuels tendent toujours davantage à être conçus comme des objets techniques autonomes, branchables, greffables ou raccordables à un système d’infrastructures, libérés de la relation contextuelle qui caractérisait les œuvres de l’architecture traditionnelle. Le corps de l’architecte perd son rôle d’intercesseur et la merveilleuse invocation que lui adressait Eupalinos résonne désormais dans le vide. L’ingénieur tend à se substituer à l’architecte pour concevoir et construire dans la tridimensionnalité des objets mettant en œuvre toutes les ressources de l’assistance électronique et de la virtualisation. L’architecte, lui, devient un producteur d’images, un agent de marketing, ou de communication, qui ne travaille plus qu’en trois dimensions fictives. Au meilleur des cas, il est réduit à un jeu graphique ou même plastique, qui rompt avec la finalité pratique et utilitaire de l’architecture et qui l’inscrit dans l’esthétique intellectualist de la dérision et de la provocation, propre aux arts plastiques contemporains.


Publié: Septembre 2019
Catégorie: Littérature

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