Architecture

Salier Lajus Courtois Sadirac

Maison Girolle

1966

En 1966, plusieurs de nos clients abandonnaient le projet de villa qu’ils avaient confié à notre agence pour acheter un « chalet Rousseau ». Ce chalet en bois, préfabriqué dans le Lot-et-Garonne, était vendu dans le secteur du Cap-Ferret pour moitié prix d’une maison traditionnelle. De plus, son toit de tuiles et sa banalité architecturale lui assuraient un permis de construire sans problèmes, alors que nos maisons « modernes » à toit plat se voyaient souvent refusées par les services de l’urbanisme de l’époque. Est-ce que nous n’étions pas capables de concevoir une maison aussi économique, mais architecturalement plus satisfaisante ?

Nous nous sommes mis à réfléchir tous les quatre, Salier, Courtois, Sadirac et moi-même. La future maison devrait faire 80 m² pour deux chambres et un séjour, un coin cuisine et un bloc eau, un abri à voiture transformable plus tard en pièce habitable. Elle ferait moins de 10 m de façade, pour s’implanter facilement, dans un lotissement, sur une parcelle de 20 m de large. Elle aurait un toit de tuile à 2 pentes, mais sans plafond, les pièces profitant du volume de la charpente apparente, les avant-toits généreux mettant à l’ombre les façades que nous ne concevions pas autrement que largement vitrées.

Avec l’entreprise Guirmand, qui venait de réaliser la maison Petit-Brisson, entièrement préfabriquée en bois, et le chalet de Barèges, nous avons recherché la façon de construire la plus économique. Était mis au point un système modulaire de construction — travées de 3 m, modulation intérieure de 0,60 — avec des bois de section courante pour la charpente. Pour rassurer les clients, et ne pas donner l’image d’un « préfabriqué », cette maison entièrement en bois aurait 2 murs pignons en maçonnerie. Mais ces murs, qu’un maçon quelconque devait pouvoir monter, s’arrêteraient à l’horizontale à 2 m, le vide triangulaire restant jusqu’à la charpente était fermé en vitrage, pour le séjour, et en bois pour les chambres.

La « Girolle » était née, puisque nous lui avions trouvé ce nom, pour une « maison qui pousse comme un champignon ». Un prototype était monté sur le terrain d’un ami de Courtois, à Saint-Jean-d’Illac, sur la route du Cap-Ferret. Ce fut tout de suite le succès, et l’entreprise Guirmand devait construire bon an mal an une cinquantaine de maisons par an jusqu’à ce que, en 1974, la crise énergétique oblige à mieux isoler la maison, donc à la rendre plus chère, et que l’entreprise elle-même, qui avait mal maîtrisé sa croissance, finisse par déposer son bilan.

Cette expérience nous a beaucoup appris. D’abord, ayant cru concevoir un « modèle » de maison de vacances, nous avons découvert que notre démarche d’économie constructive avait généré, en fait, un « système de construction » qui allait se révéler très souple et permettre de multiples adaptations. Enfin, avec nos murs à l’enduit rustique, nos charpentes en bois teintées toujours apparentes, la transparence et la fluidité de l’espace qu’assuraient nos grands vitrages, certains ont pu dire que nous avions créé un style, le « style Girolle ». Peut-être… en tout cas, nous avions découvert qu’en matière d’habitat, le modernisme intransigeant auquel nous étions attachés, jusque-là pouvait se faire moins agressif, et qu’un modernisme bien tempéré pouvait rencontrer favorablement les attentes d’une clientèle plus large qui allait s’ouvrir, ainsi, grâce à cette petite maison, à l’architecture d’aujourd’hui.

Maison Girolle
Maison Girolle
Croquis d'étude de Pierre Lajus
Maison Girolle
Maison Girolle
Maison Girolle
44°42'00.0"N 1°09'00.0"W

Lieu: Bassin d’Arcachon, France
Type: Maison

Text: Pierre Lajus
Photography: Pierre Lajus


Publié: Août 2021
Catégorie: Architecture